di Suzanne Doppelt (d’après Fabre)
Un spectre continu
La teigne devient noire pour échapper aux prédateurs, la Scarite l’est déjà, aussi noire qu’un oiseau de mauvais augure qui connaît tous les trucs, faire le mort par exemple, fixe comme le phasme fait la brindille étendu sur un tapis de mousse, sans queue ni tête ou le papillon la feuille sèche, l’animal est un végétal inversé. Cela suffit : le gisant plus ne remue, comme trépassé, couchée sur le dos, un dos aussi dur qu’une armure, la mouche regarde le monde à l’envers et ses causes premières avant d’être emportée mais il suffit d’un peu de cendre, une vraie passe magique, pour qu’elle revienne à l’instant, un fantôme en tout point pareil, et de taille et de face. Il en va de même pour celui qui chaque nuit reprend vie, un fichu simulacre, le mort-vivant qui regagne son lit au chant du coq, la conscience en demi teinte et la dent bien effilée ou alors celui qui va sur un fil l’œil électrique entre le jour et la nuit, une vraie machine de précision, parce que dans le sommeil il ne trouve pas de repos. C’est le cas de l’anguille et de quelques animaux supérieurs, morte, sa pupille s’ouvre et se referme huit, dix, seize jours plus tard, une sacrée danse macabre cent fois par heure sous l’influence de la lumière. Puis cela suffit : le gisant plus ne remue, comme trépassé, étendu dessous avec son ombre portée, à demi décoloré, sans yeux et sans oreilles et aussi sage qu’une image.
⇓⇓⇓
◎
Voce: Suzanne Doppelt
Immagine: Andrea Inglese